La faute grave de l’agent lui fait perdre son droit à indemnité. Cette affirmation n’est pas contestée : la jurisprudence édificatrice de la notion d’intérêt commun, le décret de 1958, la directive européenne dans son article 18a, par renvoi au droit interne des membres, maintenant l’article L134-13 1° s’accordent sur ce point.

 

I-                   La preuve de la faute grave

C’est au mandant qu’il appartient de rapporter la preuve de la faute de l’agent. Il faut prouver que l’agent a eu un comportement fautif, en proposant des griefs précis au juge.

 

II-                Les griefs imputés aux agents

 

A)    L’insuffisance du chiffre d’affaires

 

Le volume des ventes est un point crucial de l’activité de l’agent.

Mais cette insuffisance ne suffit pas en elle-même pour constituer une faute grave de nature à priver l’agent d’indemnité.

C’est ce qu’a notamment décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juin 2002 en indiquant que « la seule baisse du chiffre d’affaires, certes associés à un soutient accru de la société, ne suffit pas à démontrer une activité insuffisant de l’agent commercial », ou encore la Cour d’appel d’Angers dans un arrêt du 18 octobre 1999, qui a jugé que « la baisse du chiffre d’affaires d l’agent commercial ne constitue pas ipso facto une circonstance supprimant le droit à indemnisation ».

La baisse du chiffre d’affaires peut provenir de multiples raisons qui sont hors de maîtrise de l’agent : disparition de clients, situation économique générale ou locale, difficultés de livraison, obsolence commerciale ou technique du produit, etc.

Ainsi, le mandant doit prouver l’activité insuffisante de l’agent à l’origine de la baisse du chiffre d’affaires.

Il ne suffit pas d’établir la baisse du chiffre d’affaires, encore faut-il prouver qu’elle est due à une inexécution de l’obligation de moyens incombant à l’agent qui n’a pas exécuté son mandat en bon professionnel comme l’article L134-4 alinéa 3 lui en fait l’obligation.

Exemples jurisprudentiels de faute de l’agent :

–          insuffisance chronique d’activité et négligence des obligations de prospection (Cour de cassation, chambre commerciale, 28 novembre 2000, n° 99-22.482)

–          désintérêt pour la commercialisation des produits du mandant (Cour de cassation, chambre commerciale, 28 novembre 2000, n° 99-22.482)

–          refus de se plier aux méthodes de vente du mandant (Cour de cassation, chambre commerciale, 20 février 2011, n° 98-13.565)

C’est donc à une appréciation concrète de l’activité de l’agent et du marché sur lequel il opère que procèdent les tribunaux.

Il en va de même en cas de présence d’une clause d’objectif.

Sa non réalisation ne peut en aucun cas constituer en soi une faute de l’agent.

La cour de cassation, notamment dans un arrêt du 28 mai 2002, a invoqué le fait que d’une part l’inobservation du quota ne résulte pas nécessairement d’un manquement d’activité de l’agent et d’autre part, en présence d’un texte d’ordre public, comme l’article L134-12 du code de commerce, toute clause privant l’agent du droit à indemnité est réputée non écrite et ne peut pas renverser la charge de la preuve : c’est au magistrat qu’il appartient de dire ce qui est fautif.

 

B)    Insuffisance d’information à l’égard du mandant

L’agent commercial est fondamentalement un fournisseur d’informations. En application de l’article 1er du décret du 23 décembre 1958, modifié le 10 juin 1992, « l’agent doit communiquer à son mandant toute information nécessaire à l’exécution du contrat ».

Mais la difficulté est de savoir ce qui est nécessaire au mandant. Aussi, en l’absence de définition contractuelle claire de l’information que le commettant peut exploiter, et donc qu’il souhaite recevoir, ou de rappels circonstanciés à l’agent qui omettrait de fournir les renseignements contractuellement définis, il n’est pas possible de constituer en faute l’agent au prétexte de l’insuffisance de rapports.

Cour d’appel de Paris, le 30 janvier 1965 : « dans le contexte d’un écrit qui met l’accent sur l’indépendance de l’agent, l’absence d’indication sur la fréquence des rapports à fournir était bien le signe d’une certaine latitude qui lui était laissé ».

Cour d’appel de Paris, 19 novembre 1981 : « il ne résulte pas des documents mis aux débats que la société ait vainement demandé des renseignements et n’ait pu obtenir de réponse ».


C)    Impayés de la clientèle

Pèse sur le mandant la charge de prouver que la livraison à un client insolvable est due à la faute de l’agent, qui connaissait le risque de défaillance financière du client, ou aurait dû connaître une insolvabilité révélée, et n’en a pas averti le commettant.

Cour de cassation, chambre commerciale, 9 avril 1991

Tribunal de commerce de Dieppe, 14 mars 1986 : « l’agent ne peut être tenu responsable d’un impayé d’autant qu’il est impossible d’établir en juillet l’insolvabilité de la société cliente qui a déposé son bilan en décembre ».


D)    Actes de concurrence

La finalité pour le mandataire et le mandant est de créer une part de marché qui est pour eux une valeur commune. Ainsi, il est totalement contraire à l’intérêt commun que l’agent vende des produits concurrents qui vont réduire la part de marché que le contrat d’agence a pour but de maintenir ou de développer.

L’article L134-3 du code de commerce dispose que « l’agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier ».

L’établissement d’une activité anticoncurrentielle est traditionnellement considéré comme une faute grave (Cour de cassation, chambre commerciale, 15 février 2000, n° 91-11.962), susceptible d’entraîner une condamnation à de lourds dommages intérêts (Cour d’appel d’Amiens, 26 février 2001 : fixe les dommages intérêts à 20 % du chiffre d’affaires traité par l’agent en violation de la clause de non concurrence).

L’article L134-3 crée une distinction selon l’antériorité des contrats dans le portefeuille de l’agence commerciale : ce n’est que pour les contrats d’agence postérieurs à celui conclu avec lui qu’un mandant peut élever le grief de concurrence. Il appartient au mandant de se renseigner.

 

III-             Appréciation de la gravité de la faute

La directive communautaire, comme l’article L134-13 1° du code de commerce, exigent la gravité de la faute.

La gravité de la faute doit s’entendre comme un manquement important aux devoirs d’un bon professionnel, apprécié en considération du propre comportement du mandant, et portant atteinte à la finalité du contrat d’agence.

Ainsi, la faute doit être commise dans l’exécution du mandat.

A titre d’exemple, un agent commercial condamné pour diffamation, ne commet pas une faute de nature à supprimer son droit à indemnisation, parce que ses propos, relatifs à un litige privé, n’intéressaient en rien l’entreprise mandante (Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 décembre 1980), alors que celui qui diffuse des informations erronées ou dénigre un produit de son mandant commet une faute grave (Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mars 1998, n° 95-16.507).

Par ailleurs, le bon professionnel ne peut être responsable que de ce qui lui incombe, les limites de la délégation de pouvoirs qui lui est consentie fixant les limites de sa responsabilité.

La faute doit être de nature à montrer que la cause du contrat ne peut être satisfaite par l’activité de l’agent.

A titre d’exemple, la quai inexistence de la prospection de l’agent du fait d’une insuffisance chronique d’activité est constitutif d’une faute grave (Cour de cassation, chambre commerciale, 4 juillet 2000), comme le fait de ne pas respecter les tarifs du mandant en les majorant pour augmenter les commissions (Cour de cassation, chambre commerciale, 1er octobre 2002), alors que des fautes reprochées ne visant que le cas particulier de trois clients n’ont pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la rupture du contrat (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 octobre 2002).

Mais le manquement du mandant et son comportement influent considérablement sur la qualification de la faute imputée à l’agent commercial.

L’article L134-4 du code de commerce dispose que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son contrat.

L’appréciation du comportement du mandant, au moment de l’évaluation d’une faute reprochée à l’agent commercial, est double :

–          elle porte sur la façon dont le mandant exécute lui-même le contrat : ainsi la faute de l’agent commercial même prouvée ne peut entraîner la suppression du droit à indemnité si elle est provoquée par la propre faute du commettant (Cour de cassation chambre commerciale, 9 octobre 1990 : mandant dans l’impossibilité de fournir un produit, ce qui a autorisé la vente par l’agent d’un produit concurrent)

–          elle porte sur l’attitude du mandant à l’égard des fautes qu’il vient à reprocher à l’agent. Par exemple, si le contrat prévoit l’envoi par l’agent commercial d’un rapport mensuel et si celui-ci n’est jamais exploité, ni même réclamé par l’industriel, on ne peut reprocher à l’agent de ne pas le fourni

Le manquement doit porter atteinte à la finalité même du contrat.

Ainsi, les tribunaux recherchent si les faits reprochés à l’agent ont nui de façon significative à la finalité commune du contrat. En l’absence de cette constatation, il n’y a pas de faute grave.